Bourses ERC Starting Grant 2020

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L’European Research Council (ERC) vient d'annoncer les lauréats et lauréates des bourses « ERC Starting Grant » qui financent de manière importante les projets de jeunes chercheurs et chercheuses jusqu’à 2 millions d’euros. Parmi les 436 projets retenus, deux sont portés par des scientifiques issu.es de laboratoires du CNRS Occitanie Ouest : Marie Dumont, ingénieure des ponts, des eaux et des forêts au Centre national de recherches météorologiques (CNRM) et Damien Texier, chercheur CNRS à l'Institut Clément Ader (ICA).

Projet "IVORI" : Vers une nouvelle vision de la neige - Marie Dumont

La neige est une composante essentielle du système climatique de la Terre, jouant un rôle majeur de régulation climatique, de ressource en eau et d’élément clé du paysage, pour les sociétés humaines et les milieux naturels. A haute altitude et dans les régions polaires, le manteau neigeux se transforme en névé et glace, fournissant des enregistrements uniques du climat passé. Le manteau neigeux joue un rôle important pour de nombreux risques naturels (avalanches, crues nivales...). Pourtant, aujourd'hui, les connaissances scientifiques et les modèles numériques utilisés pour analyser et prévoir l’évolution du manteau neigeux à toutes les échelles de temps et d’espace souffrent d’importantes limitations. Les outils les plus complexes ont en effet été développés pour des environnements de montagne aux moyennes latitudes et ne représentent pas de manière adéquate la neige des régions polaires (Arctique et Antarctique). Ces limitations pèsent sur la finesse de prise en compte du rôle du manteau neigeux dans les modèles de climat.

L'objectif d'IVORI est de dépasser les limites actuelles des connaissances au sujet des transformations physiques du manteau neigeux, et de construire un modèle capable de simuler l’évolution de la neige sous une vaste plage de conditions climatiques. Ce modèle sera basé sur un algorithme innovant pour le calcul de l’évolution physique de la neige et sur une représentation adéquate de la microstructure de la neige, c’est-à-dire l’arrangement tridimensionnel de la glace, de l’eau et de l’air. Pour cela, le projet s’appuiera, entre autres, sur des observations via tomographie aux rayons-X de la microstructure de la neige représentative de différents climats (Arctique, Antarctique et de montagne).

L’exploitation des nouvelles connaissances et outils développés par le projet IVORI contribuera à répondre à trois questions scientifiques en particulier :

  1. Quel est le rôle du manteau neigeux dans l’évolution du régime thermique du sol et pergélisol arctique ?
  2. Comment les processus se produisant en surface du manteau neigeux impriment leur marque plus profondément dans le névé et affectent les enregistrements de carottes de glace ?
  3. Quelle a été et quelle sera l’évolution de la couverture neigeuse et de la température du sol dans l’arctique et les régions de montagne ?

Ce travail permettra à long terme de progresser dans notre compréhension des processus qui gouvernent l’évolution de la cryosphère à toutes les échelles de temps, qu’il s’agisse des glaciers, des calottes glaciaires, du pergélisol, du manteau neigeux au sol et sur glace de mer, et l’étude du climat passé grâce aux enregistrements de carottes de glace.

Marie Dumont

Marie Dumont est chercheuse (ingénieure en chef des ponts, des eaux et des forêts) au Centre national de recherches météorologiques, dans l’unité de recherche Centre d’études de la neige (CNRM/CEN - CNRS, Météo-France, Université de Toulouse, Université Grenoble Alpes). Elle a réalisé sa thèse à l’Institut de géosciences de l’environnement à Grenoble (IGE - CNRS, Université Grenoble Alpes, IRD) sur la mesure et la modélisation de l’albédo de surfaces enneigées et englacées. Elle a entrepris ensuite un post-doctorat en Norvège, à l’Institut polaire norvégien où elle a travaillé sur la télédétection des différents types de glace de mer. Elle a rejoint le CNRM/CEN sur le site de Grenoble en 2011, et a obtenu un projet ANR jeunes chercheurs ou jeunes chercheuses (EBONI) sur l’étude de l’impact des impuretés absorbantes sur l’évolution du manteau neigeux. En 2019, elle a obtenu le prix Arne Richter de l’Union Européenne des Géosciences et le Prix jeune chercheur de l’Union géodésique et géophysique internationale. Les recherches de Marie Dumont portent sur l’observation in situ et par satellite du manteau neigeux,  la modélisation et l’assimilation de données pour l’étude et la prévision de l’état de la neige.
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Projet “HT-S4DefOx” : Approches micromécaniques à haute température de l’endommagement mécano-chimique des matériaux aéronautiques - Damien Texier

Un des enjeux clé de la démarche « aviation décarbonée » réside dans l’amélioration du rendement énergétique des turbines aéronautiques par l’augmentation de la température de leur fonctionnement. A titre d’exemple, une élévation de 15°C de cette température conduit à un gain de puissance de 3% à architecture moteur constante. Ainsi, les matériaux hautes performances employés dans la conception actuelle des turbines, tels que les superalliages à base de nickel nus ou revêtus (barrières thermiques), les alliages de titane, évoluent dans un environnement sévère où les niveaux de températures et de contraintes ne cessent de croître.

L’objectif du projet "HT-S4DefOx" est d’évaluer rapidement et prédire à la fois le comportement et la durabilité de ces matériaux en service et des matériaux de demain sous chargements thermomécaniques et chimiques complexes.

Ces conditions de service, de plus en plus critiques pour les matériaux métalliques, favorisent un endommagement précoce, non attendus, et accentués par la synergie oxydation/localisation de la déformation à l’échelle de la microstructure (phénomène mécano-chimique). Le matériau constitutif de ces pièces de structure évolue graduellement au fur et à mesure du temps d’utilisation et cette zone affectée peut s’étendre sur quelques dizaines voire centaines de micromètres durant la vie de la pièce. Malgré les dimensions négligeables de cette zone affectée au regard des dimensions des pièces de structure, l’évolution des propriétés et de l’intégrité mécanique dans cette région sub-surfacique peut entrainer un endommagement et la ruine prématurées de ces composants structurels. Par conséquent, le suivi de l'évolution de la déformation localisée à l'échelle de la microstructure en utilisant des approches in-situ micro- et méso-mécaniques à haute température constitue une piste intéressante pour clarifier les interactions thermo-mécano-chimiques favorisant cet endommagement localisé prématuré.

HT-S4DefOx vise à aborder ces interactions aux petites échelles sur des matériaux modèles à base de nickel et de titane à l'aide de techniques micromécaniques avancées à haute température (corrélation d'images numériques à haute résolution (HR-DIC), essais mécaniques in-situ dans le MEB et MET, essais de compression in-situ de micro-piliers et de nano-indentation, nano-tomographie RX et topo-tomographie synchrotron) et de simulations numériques (méthodes éléments finis de plasticité cristalline couplées aux méthodes de champ de phase). L’emploi d’échantillons aux dimensions micrométriques permet d’exacerber les effets de surface nécessaires à l'étude expérimentale du couplage entre la réactivité de surface et les déformations. Le développement de nouvelles techniques de flexion sur lames minces avec mesures tridimensionnelles à l’échelle mesoscopique jusqu'à 1000°C permettra de combler le fossé entre les caractérisations mécaniques aux échelles micro- et macro-. Suite aux avancées de l’ANR-JCJC « COMPAACT », une instrumentation optique (microthermoréflectométrie) sera adaptée afin d’examiner à l’échelle de la microstructure la formation de produits d’oxydation à croissance rapide, croissance assistée par la déformation. 

Damien Texier

Damien Texier est chercheur CNRS à l’Institut Clément Ader (ICA - CNRS, IMT Mines Albi, INSA, ISAE, Université Toulouse III - Paul Sabatier) depuis 2017. Il a réalisé ses travaux de thèse au sein du Centre interuniversitaire de recherche et d'ingénierie des matériaux (CIRIMAT – CNRS, Université Toulouse III - Paul Sabatier, Toulouse INP) sur la caractérisation micromécanique à très haute température de matériaux revêtus utilisés dans les sections chaudes des turbines aéronautiques. Il a ensuite poursuivi ses recherches dans le domaine avec un postdoctorat à l'Institut Pprime - Université de Poitiers, France (2013) et à l'Université de Californie, Santa Barbara, USA (2014) en se focalisant sur la variabilité de la durée de vie en fatigue d’un superalliage à base de nickel pour disque de turbines aéronautiques. Il a rejoint en 2015 l'Ecole de technologie supérieure - Montréal, Canada en tant que postdoctorant puis associé de recherches pour travailler sur le comportement micromécanique de matériaux hétérogènes, y compris les superalliages à base de nickel, les alliages de titane, les revêtements, ainsi que les assemblages soudés.
A ce jour, il a principalement développé des outils expérimentaux et un savoir-faire dans la caractérisation macro- et micromécanique de matériaux hétérogènes dans une large gamme de température. Il utilise et développe des techniques de corrélation d’images multi-échelles pour appréhender, identifier et quantifier la localisation de la déformation à l’échelle de la microstructure. Sa recherche actuelle se concentre sur le comportement mécanique, la réactivité de surface et la durabilité des matériaux de structure pour applications transports/aéronautiques en environnements complexes.
Ses travaux réalisés au sein du site de l’ICA-Albi, hébergé par IMT Mines Albi, visent plus particulièrement à identifier la synergie oxydation-déformation localisée à l’échelle de la microstructure. En 2013, il obtient le prix Bodycote de la Société française de métallurgie et des matériaux (SF2M), en 2018, le prix Hetényi de la Société de mécanique expérimentale (SEM), en 2019, le prix AIME Champion H. Mathewson Award de la Société de minéraux, de métaux et de matériaux (TMS), et en 2020, la médaille Jean RIST de la Société française de métallurgie et des matériaux (SF2M).