Derrière le blob, la recherche : l’expérience de science participative du CNRS s’ouvre à toutes et à tous
15 000 scientifiques amateurs vont pouvoir participer à l’opération « Derrière le blob, la recherche », afin d’étudier l’impact du changement climatique sur cet organisme extraordinaire.
Après avoir conquis le parc zoologique de Paris et même l’espace, le blob arrive enfin dans les foyers français. Le CNRS organise en effet l’opération « Derrière le blob, la recherche » : elle propose au grand public de participer à une expérience d’une ampleur inédite sur cet organisme unicellulaire, ni animal, ni végétal, ni champignon, capable de se régénérer et d’apprendre sans cerveau. Les 15 000 participants et participantes viennent d’être sélectionnés.
« Au départ, le CNRS et moi-même avions prévu 10 000 kits contenant quelques blobs mais devant l’enthousiasme – nous avons reçu plus de 46 000 pré-inscriptions –, nous avons décidé d’ajouter 5000 kits supplémentaires », raconte Audrey Dussutour, biologiste du CNRS qui étudie le blob depuis 2009 au Centre de recherches sur la cognition animale (CRCA/CBI - CNRS, Université Toulouse III - Paul Sabatier) à Toulouse. Lauréate de la première médaille de la médiation du CNRS en 2021 justement pour ses plus de 200 actions autour du blob et des fourmis, la chercheuse a investi la petite somme reçue dans la création de ces nouveaux kits.
Et pour faire la sélection finale, le blob lui-même a été mis à contribution. Les candidats ont été séparés en trois groupes, représentés par trois sources de nourriture – « de qualité identique », précise Audrey Dussutour – placées autour d’un blob. Les deux premières sources atteintes ont représenté les deux groupes d’apprentis scientifiques retenus.
Retrouvez le portrait d'Audrey Dussutour dans la série « Qui cherche... cherche », réalisée en partenariat avec Science Animation, Universcience, Hauteville productions et Léon Prod.
Le choix du Blob | Derrière le blob, la recherche
Merci à toutes et tous pour votre enthousiasme pour le projet de science participative "Derrière le blob, la recherche" (#BlobCNRS) proposé par le CNRS. Vous avez été très très nombreux à répondre à notre appel pour réaliser avec nous cette expérience citoyenne... bien au-delà des 10 000 volontaires.
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L'exposition toulousaine « Derrière le blob, la recherche »
Cette exposition légère de 10 panneaux présentée au Quai des savoirs à Toulouse permet de suivre les étapes incontournables d’un protocole de recherche et de comprendre comment se déroule une expérience scientifique rigoureuse.
Le fichier téléchargeable de l'exposition (en haut à gauche) est imprimable aisément en format A3. Conception et réalisation : CNRS Occitanie Ouest et Quai des savoirs. Conception graphique : Oblique
En France et à l’international
Finalement, les scientifiques amateurs sont majoritairement situés en France, avec une forte représentation des grandes villes et – sans surprise – de la Haute-Garonne. Tous les âges sont représentés, assure Audrey Dussutour qui a épluché à la main l’ensemble des candidatures. Une moitié de familles et individus, dont quelques scientifiques, mais aussi des professeurs – le blob avait déjà eu du succès dans les classes scolaires avec l’opération #ÉlèveTonBlob proposée par le CNES en partenariat avec le CNRS –, quelques établissements pénitentiaires, une vingtaine d’Ehpad, des centres médico-sociaux, des médiathèques et autres fablabs, etc. L’opération s’exporte même en Belgique, en Suisse, en Allemagne et aussi loin que le Canada, les États-Unis ou le Japon ! Des partenaires de l’opération, comme le centre de science belge SparkOh! ou le Quai des savoirs à Toulouse, proposent aussi d’accompagner des familles dans l’expérience.
Un enthousiasme « hyper excitant » et « un peu stressant » pour Audrey Dussutour et ses deux étudiantes, Émilie et Camille, car la petite équipe du CRCA « doit assurer » avec le soutien « important » du CNRS. Un groupe Facebook dédié à la communauté permettra les échanges. « Sur le groupe créé pour #ÉlèveTonBlob, les participants ont beaucoup échangé et se sont entraidés. J’espère que cette nouvelle opération plus large sera aussi sous le signe du partage », souhaite la spécialiste.
Ces 15 000 personnes recevront donc fin mars un kit et s’engagent à acquérir eux-mêmes un peu d’équipement1 et à respecter un protocole expérimental bien précis, finement préparé par Audrey Dussutour et son équipe. Cela leur prendra d’une semaine à un mois, selon leurs disponibilités, à raison d’une heure de manipulation quotidienne à heure fixe, durant le printemps 2022. « Il est très important de ne pas dévier de ce protocole, notamment au niveau du matériel utilisé et des étapes à suivre, car il s’agit d’une véritable expérience scientifique », rappelle la chercheuse qui a créé des tutoriels vidéos et photos.
Une véritable expérience scientifique
Les volontaires deviendront ainsi « acteurs et actrices de la recherche », avec une question : quels seront les effets du changement climatique sur les deux espèces choisies – le blob, Physarum polycephalum, et son cousin Badhamia utricularis ? Habitué des sous-bois des pays tempérés, les myxomycètes, la classe d’organismes à laquelle appartient le blob, participent à l’équilibre de la forêt en enrichissant le sol en minéraux. Les vagues de chaleur, qui vont devenir plus longues, intenses, fréquentes et inattendues avec le changement climatique, risquent donc d'avoir des conséquences importantes sur les myxomycètes et leur environnement. Pour évaluer cet impact, le protocole demande de faire varier la température à laquelle le blob est soumis, en approchant ou en éloignant une ampoule chauffante de la boîte de Petri où il se trouve. Différents paramètres (durée, fréquence et intensité des vagues de chaleur, souche et espèce de blob) seront étudiés pour comprendre leur influence sur la croissance et le comportement du blob.
Mais le rôle des scientifiques amateurs ne s’arrête pas là : ils et elles pourront participer à toutes les étapes de la recherche, de l’expérimentation à la publication des résultats dans une revue en libre accès, en passant par le recueil, l’analyse et l’interprétation des données. Au-delà de l’expérience de recherche participative, l’opération a en effet l’objectif de promouvoir les enjeux et la démarche scientifique auprès du plus grand nombre.
« Le CNRS et le Quai des Savoirs se retrouvent sur cette ambition », assure Marina Léonard, responsable de la programmation de l’espace culturel dédié aux sciences, à l’innovation et à la création contemporaine toulousain qui est partenaire de l’opération et propose en ce moment (et jusqu’en novembre) l’exposition immersive Esprit critique, détrompez-vous ! « Nous avons travaillé ensemble pour construire des actions qui montrent la science en train de se faire et comment on produit des savoirs aujourd’hui », ajoute-t-elle : des activités « décalées », disponibles pendant les vacances d’hiver, pour mieux « plonger » dans ce sujet « rigoureux » et apprendre à poser des hypothèses, concevoir un protocole ou encore aiguiser son esprit critique face aux informations scientifiques dans les médias. Le public pourra rencontrer Audrey Dussutour le 19 février pour une conférence sur ses travaux sur le blob et le projet « Derrière le blob, la recherche ». « En recherche, il est important d’avoir des résultats reproductibles et de les publier pour que d’autres scientifiques puissent les vérifier », explique par exemple la chercheuse. Des notions qui prendront tout leur sens « en expérimentant » pour les participants, espère-t-elle.
Lors de cet événement et pendant toutes les vacances, les Toulousains retenus pour l’expérience participative pourront aussi venir récupérer leur kit en main propre. Des conférences et actions autour de la démarche scientifique sont également prévues dans les autres lieux partenaires de l’opération : le centre de science Le Dôme à Caen et le Musée d’Histoire naturelle à Lille.
Et les protocoles seront mis en ligne, à la disposition de tous ceux et celles qui sont en possession d’un blob ou qui en trouveraient un dans la forêt . « Le grand public est très demandeur de ce genre d’opérations, au travers desquelles les volontaires peuvent faire eux-mêmes des expériences et participer à la progression des connaissances. La confiance accordée par des chercheurs et chercheuses sur toutes les étapes scientifiques est valorisante pour eux et mener une même expérience à une telle échelle est très utile pour la recherche scientifique », conclut Audrey Dussutour.
- 1Pour un budget de 30 à 40 €.
Le Blob, une cellule qui apprend | Reportage CNRS
Ni animal, ni végétal, ni champignon, le blob est une cellule géante. Dépourvu de cerveau, il peut se déplacer et même apprendre ! Avoine bio ou céréales ultra transformés, il a aussi des préférences alimentaires selon son pays d'origine... La version longue de cet étonnant documentaire est disponible sur Arte.tv jusqu’au 18 juillet.
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