Europe2022 : 3 projets toulousains retenus pour les bourses ERC

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ERC

L’Europe financera cette année 397 projets de recherche menés par de jeunes scientifiques, à hauteur de 1,5 million d’euros en moyenne. Au terme d’une campagne de candidature ayant réuni plus de 4000 propositions, le Conseil européen de la recherche (ERC) vient d’annoncer les lauréat·es des bourses « Starting », s’adressant à des scientifiques ayant obtenu leur doctorat il y a 2 à 7 ans. Cette initiative européenne permettra de financer 53 projets français sur une période de 5 ans, dont 26 seront hébergés par le CNRS. Parmi les projets lauréats, 3 seront menés à Toulouse :

DryCO2 : Mechanisms of gas-driven mineral weathering in a changing climate - Anna Harrison - GET/OMP

Les réactions d'altération des minéraux fournissent des nutriments essentiels à la vie et régulent les concentrations du CO2 atmosphérique et le climat. L'altération des minéraux est facilitée dans la zone non saturée des sols où les réactifs gazeux comme le CO2 et l'O2 sont facilement transportés. Le climat de la Terre a connu des fluctuations importantes au cours de son histoire et évolue actuellement rapidement en raison des activités humaines. Le changement climatique a un impact sur la taille et la teneur en eau de la zone non saturée des sols et, donc, sur les taux d'altération des minéraux. La prédiction des impacts des changements de la saturation en eau du sol, de la concentration de CO2 et de la température sur les taux d'altération des minéraux est entravée par une compréhension insuffisante des mécanismes qui contrôlent l’altération des minéraux dans la zone non saturée. DryCO2 élucidera les mécanismes physiques et chimiques de l'altération des minéraux induite par la phase gazeuse dans la zone non saturée, afin d'évaluer l'évolution du climat au cours de l'histoire de la Terre, d'optimiser l'élimination artificielle du CO2 pour atténuer le changement climatique et de prévoir l'impact du futur changement climatique anthropique sur les réactions d'altération des minéraux qui stockent le CO2 et libèrent des nutriments. DryCO2 mettra en œuvre une approche multi-échelle pour quantifier les effets de la concentration de CO2 et des changements de la disponibilité de l'eau sur les réactions d'altération à la surface de la terre, de la surface du minéral à l'échelle globale.

Anna Harrison
© Anna Harrison

Anna Harrison est chargée de recherche au CNRS depuis 2021. Elle effectue ses travaux dans le domaine de la géochimie et des sciences de l’environnement, avec une spécialisation sur les interactions fluides-minéraux-gaz. Anna Harrison et son équipe étudient les réactions qui peuvent capturer le CO2 afin d’atténuer le changement climatique, et les implications environnementales des réactions entre fluides et roches. Elle met en œuvre à la fois une approche expérimentale et la modélisation  du transport réactif afin d’illuminer les mécanismes réactionnels. Anna Harrison a obtenu un doctorat de géosciences à l’université de Colombie Britannique, Vancouver, Canada. Après un postdoc à  l’université Stanford, elle a reçu une bourse du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada  pour conduire des recherches au laboratoire  Géosciences de l’Environnement à Toulouse. Elle a ensuite obtenu une bourse Marie Sklodowska Curie  pour  étudier expérimentalement les réactions d'altération des minéraux à University College, Londres. Anna Harrison a occupé un poste de maître de conférences à l’université Queen’s, Canada de 2018 à 2021 avant de rejoindre le CNRS.

LEAPHY : Unravelling the behaviour of inorganic (nano)phases in leaves to optimize the foliar delivery of sustainable agrochemicals - Astrid Avellan - GET/OMP

En agriculture, les produits utilisés pour fertiliser et/ou protéger les plantes sont souvent peu efficaces. Les nutriments et les pesticides appliqués en champs n’atteignent pas, pour la plus grande part, les compartiments ciblés (surface ou intérieur des feuilles, racines, organes et organelles, etc). En conséquence, de grandes quantités de produits phytosanitaires sont dispersées dans l’environnement, polluant les sols et les cours d’eau et dégradant les agro-écosystèmes. Délivrer ces produits par voie foliaire est prometteur pour réduire ces pollutions. Il a été démontré que l’absorption foliaire de particules fines à l’échelle nanométrique est plus importante que ce que nous pensions jusqu’alors : une grande fraction peut entrer dans les feuilles et se distribuer dans toute la plante.

Fort de ces découvertes, le projet LEAPHY vise à améliorer l’efficacité des produits de fertilisation et de protection des plantes en tirant parti de la biodisponibilité foliaire de ces structures nanométriques. Il s’agira d’étudier les interactions biologiques et chimiques qui régissent l'adhésion foliaire, l'absorption, et la translocation de nanostructures aux propriétés physico-chimiques contrôlées. Le devenir des nanostructures in planta, des feuilles sur lesquelles elles sont déposées vers d'autres compartiments des plantes, sera finement caractérisé. La persistance et les effets de ces nanostructures dans les agroécosystèmes seront évalués. Ces nouveaux savoirs permettront de développer des stratégies innovantes pour fertiliser et protéger les plantes de façon plus sûre, tout en réduisant drastiquement l'utilisation d’intrants.

Efficacité agricole ciblée et protection de l’environnement en seront ainsi largement améliorées !

Astrid Avellan
© Astrid Avellan par Antoine Curinier

Astrid Avellan étudie la réactivité des nanoparticules en interaction avec le vivant, de l’échelle de la cellule à celle des systèmes. Elle a obtenu sa thèse en géosciences de l’environnement au Centre Européen de Recherche et d’Enseignement de Géosciences de l’Environnement à l’université Aix-Marseille en 2015. Sa recherche en tant que post-doctorante en Ingénierie environnementale à l’Université Américaine Carnegie Mellon pendant 3 ans, a contribué à mettre en lumière l’importance de l’absorption foliaire de nanoparticules dans les flux atmosphère-sol. Ses travaux de chercheuse pendant plus de 2 ans à l’Université d’Aveiro au Portugal, ont permis d’identifier les potentiels bénéfices de ces absorptions foliaires pour une fertilisation plus efficace des plantes agricoles. En 2022, Astrid Avellan poursuivra ses travaux en tant que chargée de recherche CNRS à l’institut Géosciences Environnement Toulouse.

Le soutien du CNRS et de l’Union Européenne via cet ERC Starting Grant lui permettra de développer des approches multidisciplinaires et multi-échelles indispensables à l’étude des interactions et des réactivités bio-physico-chimiques aux interfaces feuilles-plante-rhizosphère. Ces travaux faciliteront l’identification des propriétés qui permettent aux nanoparticules de franchir les barrières cellulaires, qui influencent leur biodisponibilité, et qui modulent leur devenir au sein d’agroécosystèmes simplifiés.

UnderPressure : Elucidating the phenotypic convergence of proliferation reduction under growth induced pressure - Morgan Delarue - LAAS-CNRS

La plupart des organismes vivants prolifèrent sous forme d’assemblées multicellulaires. Celles-ci sont naturellement limitées par leur environnement : les racines des plantes par exemple se développent sous terre et doivent déplacer leur environnement pour croitre. Les tumeurs solides, quant à elles, se développent dans des organes où elles n’ont pas naturellement la place de se développer. Lorsque des assemblées multicellulaires prolifèrent dans des environnements confinés, elles développent des forces dites de croissances. Ces forces peuvent être gigantesques, si l’on considère que des racines sont capables de briser du béton. Les forces de croissance semblent avoir un effet similaire sur tous les organismes : que ce soient des cellules végétales ou animales, ou encore des microbes comme des bactéries, elles limitent la prolifération cellulaire. Le but du projet UnderPressure est de comprendre l’origine de cette limitation, et en particulier d’étudier la possibilité que celle-ci puisse avoir une origine commune, biophysique, et ce quel que soit l’organisme.

Morgan Delarue
© Morgan Delarue

Morgan Delarue est physicien de formation. Il a effectué sa thèse à l’Institut Curie, où il a travaillé sur l’impact des contraintes mécaniques compressives sur la prolifération d’agrégats multicellulaires de cancer. Il est ensuite parti aux Etats Unis à l’Université de Californie, Berkeley, pour y effectuer un premier post-doctorat, où il a notamment développé des microsystèmes permettant de confiner des assemblées de levures du boulanger, S. cerevisiae. En comparant leur réponse à celle des cellules cancéreuses, il s’est aperçu que la prolifération cellulaire sous pression semblait changer de manière similaire. Il a alors effectué un second post-doctorat à l’Université de New York afin de développer des outils permettant de mesurer certaines propriétés biophysiques des cellules qui pourraient être modifiées de la même manière dans tous les organismes. Il est depuis fin 2017 chargé de recherche au CNRS, au sein du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes du CNRS (LAAS-CNRS), où il mène des travaux de recherche sur l’impact des contraintes compressives sur la prolifération cellulaire, à l’interface entre physique, ingénierie et biologie, dans le but de comprendre comment elles sont intégrées, et comment elles pourraient être prises en compte pour mieux traiter certaines pathologies comme le cancer.

Cette année, 43 % des bourses ont été accordées à des chercheuses, la proportion la plus élevée depuis le début du programme Starting. L’ensemble des lauréats sont issus de 22 pays de l’Union Européennes et associés, notamment l'Allemagne (72 projets), la France (53), le Royaume-Uni (46) et les Pays-Bas (44).

Si la France affiche l’un des meilleurs taux de succès à cet appel—avec 15,2 % pour un taux succès moyen de 9,9 %—le pays reste cependant en retard en termes de soumission de projets alors que l’Allemagne - en tête en nombre de lauréats - soumet presque deux fois plus que la France.

Le CNRS quant à lui affirme sa force en termes de capacité de réponse aux candidatures ERC avec un taux de succès de 19,3 %.