La Méditerranée, une mer sous pression
La Méditerranée, lieu unique de diversité biologique, culturelle, économique, politique et religieuse, fait face à un nouveau défi : celui de devoir s’adapter rapidement aux effets combinés du réchauffement climatique, de la pression démographique et de l’usage excessif des ressources naturelles. Depuis dix ans, plus de 1000 scientifiques de 23 pays se sont fédéré au sein du programme de recherche interdisciplinaire MISTRALS pour comprendre les processus physiques, chimiques et biologiques qui affectent l’environnement en Méditerranée, et répondre aux problématiques sociétales de gestion durable des ressources (eaux, sols), de préservation de la qualité de l’air et des eaux, d’aménagement des territoires et de prévention des risques naturels (crues, tempêtes, sécheresses, etc.).
Vous découvrirez ci-dessous quatre projets du programme MISTRALS menés par et avec des laboratoires toulousains1
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Méditerranée : Une mosaïque de nuisances et de contaminations
Une équipe de scientifiques composée notamment de Mehdi Saqalli, chercheur CNRS au laboratoire Géographie de l’environnement (GEODE), s’est intéressée à la perception des risques et des nuisances environnementales par les populations de la plaine de Mornag en Tunisie. Pour mener ces travaux, les scientifiques ont réalisé une enquête par cartographie à dires d’acteurs : "on interroge les habitant.es avec le support d’une carte sur laquelle est scotchée un calque ; sur celui-ci, on dessine les perceptions des habitant.es comme réponse à une seule et unique question : « concernant l’environnement dans cette région, est-ce partout pareil ? ». Les différences et les risques sont alors positionnés tout au long de l’interview, écrit le chercheur toulousain. "En multipliant et combinant les cartes faites sur base des perceptions locales avec le système d’information géographique (SIG), on a ainsi pu recenser et circonscrire les risques et nuisances vus par les habitant.es et en positionner de nouveaux qui n’étaient ni déjà connus ni envisagés dans les politiques publiques. Dix risques majeurs ont ainsi été recensés, certains connus et circonscrits comme les poussières des terrils chargées de métaux lourds, l’intrusion d’eaux salines du fait de la baisse de la nappe phréatique. D’autres, comme les déchets ménagers, les élevages industriels, l’assainissement des eaux sont plus diffus mais s’avèrent plus visibles dans la vie quotidienne, marquant la périurbanisation de ce territoire initialement rural mais de plus en plus connecté à Tunis", explique Mehdi Saqalli. Ces travaux pourront servir aux élu.es et aux acteurs et actrices locaux pour hiérarchiser les priorités, du point de vue des populations, en termes de gestion des risques, contaminations et nuisances sur leur territoire.
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Vers une meilleure gestion de l’eau agricole en Méditerranée du Sud
L’irrigation en région méditerranéenne est une pratique indispensable pour le développement et le rendement des cultures qui n’a cessé de se développer, si bien qu’elle sollicite à ce jour jusqu’à 85% de la ressource en eau disponible dans certaines régions. Agir sur la demande en eau agricole représente donc le principal levier d’économie d’eau car il faudra, dans l’avenir, produire plus avec une quantité d’eau moindre tant en raison de la croissance démographique que du réchauffement climatique et des mutations agricoles que connait la région. Pour répondre à ces enjeux, une équipe de scientifiques composée notamment de chercheur.es du Centre d’étude spatiales de la biosphère (CESBIO-OMP), s’est tout d’abord attachée à mieux comprendre le fonctionnement hydrologique des cultures en contexte méditerranéen et à quantifier les mutations en cours. Les travaux menés, grâce à l’exploitation conjointes des données in situ et des observations satellites, ont également permis, en collaboration avec les acteurs et actrices de la gestion de l’eau agricole, d’établir des trajectoires d’évolution de la consommation en eau sous l’effet des changements climatiques et de pratiques. Ils ont également permis de quantifier l’impact sur les réservoirs de surface et souterrains afin d’accompagner la mise en place de mesures d’adaptation à la pénurie d’eau. Enfin, plusieurs outils d’aide à la décision visant à apporter l’eau à la culture en temps et en quantité opportuns ont été développés et testés avec les offices d’irrigation et les agriculteurs. Le programme MISTRALS aura donc contribué à la fois à une meilleure connaissance de la consommation en eau des cultures actuelles, à projeter ces besoins en eau dans un contexte de fortes mutations des pratiques et de changement climatique, mais aussi au développement d’outil d’aide à la décision pour rationaliser son usage.
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Méditerranée : L’observation spatiale pour le suivi des ressources en eau
Dans toute la région méditerranéenne, les réseaux de mesures hydrométéorologiques sont souvent insuffisamment denses et mal adaptés aux besoins des gestionnaires d’accès aux données en temps quasi réel. La télédétection a en revanche démontré un grand potentiel pour compléter les réseaux de mesure in situ lors de l’évaluation des composantes du cycle hydrologique. A travers des analyses d’anomalies sur des longues séries temporelles des différents satellites, les capteurs spatiaux fournissent des informations essentielles pour la gestion ainsi que la surveillance des événements extrêmes et de leurs impacts. La large couverture spatiale de ces données devrait permettre une meilleure évaluation des risques en termes de sécurité hydrique régionale. Les progrès de la technologie des systèmes de positionnement satellite et du smartphone ainsi que l’accès libre aux images satellites comme Sentinel (du programme européen Copernicus) ont permis le développement d’applications et d’outils intelligents pour aider les agriculteurs et les parties prenantes dans la prise de décision. Grâce au programme MISTRALS et aux scientifiques du Centre d’étude spatiales de la biosphère (CESBIO-OMP), un véritable réseau international s’est développé autour de l’utilisation de l’observation spatiale pour le suivi des ressources en eau, incluant plusieurs pays du nord et sud de la Méditerranée. Cela a permis des avancées majeures dans la compréhension du cycle de l’eau et ses différents processus, ainsi qu’un meilleur suivi des événements extrêmes, notamment la sécheresse. En plus de nombreuses publications scientifiques, plusieurs outils opérationnels et produits spatiaux (indices de sécheresse, occupation du sol, irrigation etc) sont transférés vers l’utilisation opérationnelle des gestionnaires dans différents pays, notamment au Maroc, en Tunisie et au Liban.
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Méditerranée : La recharge des aquifères
Les ressources en eau de la plupart des zones méditerranéenne proviennent pour une large part des zones montagneuses situées en amont des bassins versants. Ces zones amont reçoivent suffisamment de précipitations, dont une partie sous forme de neige, pour générer des écoulements de surface qui sont fortement mobilisés en aval par l’agriculture irriguée. Toutefois, une part importante des précipitations s’infiltre en profondeur et va recharger les aquifères localisés en aval. Dans les zones de plaine, l’exploitation croissante de cette eau souterraine a pour conséquence un abaissement généralisé des niveaux des nappes, mettant en danger la durabilité des agro-systèmes méditerranéens. Si l’impact du changement climatique sur l’enneigement et les débits des rivières retient déjà l’attention de la communauté scientifique, ses conséquences sur la recharge des nappes restent aujourd’hui mal connues. Néanmoins, à partir de la connaissance des précipitations, des débits de surface et de l’évapotranspiration, il est possible de déduire la fraction infiltrée en profondeur grâce à l’équation de fermeture du bilan hydrologique et donc de modéliser les processus de recharge et de tester des scénarios de gestion ou d’impact des changements climatiques. Ces modélisations sont également tributaires des observations in situ qui font souvent défaut pour la calibration ou validation des modèles. Il est donc fondamental de maintenir des observatoires pérennes pour mesurer régulièrement les variables météorologiques, les débits des rivières, l’hydrochimie, le niveau des nappes, les flux liés à l’irrigation, etc. C’est grâce à la complémentarité entre observation de terrain, observation satellitaire et modélisation que les scientifiques du Centre d’étude spatiales de la biosphère (CESBIO-OMP) impliqués pourront fournir les informations nécessaires pour une gestion optimale des ressources en eau et déterminer des répartitions soutenables des usages tenant compte des changements climatiques en cours.
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- 1Laboratoire Géographie de l’environnement (GEODE, CNRS/Université Toulouse - Jean Jaurès) et le Centre d’études spatiales de la biosphère (CESBIO-OMP, CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier/CNES/IRD)