Quand les surfaces qui nous entourent deviennent antimicrobiennes
Professeur à l’Université Toulouse III - Paul Sabatier et chercheur au Centre d’élaboration de matériaux et d'études structurales du CNRS (CEMES), Marc Verelst est spécialiste de chimie des matériaux. Depuis les années 2000, il travaille sur des procédés d’élaboration de sphères creuses microscopiques. D’abord utilisées dans les écrans de télévision, elles sont aujourd’hui exploitées par la PME Pylote pour leurs propriétés antimicrobiennes. Une innovation dont le succès explose depuis l’arrivée de la pandémie de Covid-19, puisqu’il permet de rendre n’importe quelle surface destructrice du virus...
Marc Verelst obtient son doctorat au sein du Centre interuniversitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux (Cirimat)1 en 1991, sur le thème des matériaux composites métal-céramique. Nommé maître de conférences à l'Université Toulouse III - Paul Sabatier deux ans plus tard, il s'intéresse aux matériaux moléculaires à transition de spin au Laboratoire de chimie de coordination du CNRS (LCC), avant de rejoindre le CEMES en 1997. Le chercheur travaille sur de nouvelles matrices de confinement des déchets nucléaires produites par pyrolyse d’aérosol. "Cette technologie était trop complexe à mettre en œuvre dans un environnement radioactif, explique Marc Verelst. Nous l’avons donc détournée au début des années 2000, dans le but de fabriquer des sphères creuses microscopiques, c’est-à-dire des microbilles de taille comprise entre 0,5 et 2 microns”. Entre 2003 et 2006, le CEMES conçoit et développe une première machine préindustrielle capable de produire un kilogramme de poudre de microbilles par jour. Basée sur des oxydes de terres rares, la poudre est un matériau fluorescent utilisé dans la fabrication des écrans de télévision plasma et lampes à fluorescence.
Des microbilles qui tuent les agents pathogènes
Le chercheur fournit des fabricants d’écrans français comme DG Tech ou Thomson Plasma, qui finissent toutefois par déposer le bilan face à la concurrence asiatique. Mais convaincu de la valeur de son procédé et pour continuer à l’exploiter, Marc Verelst crée en 2008 la start-up Pylote avec un ancien étudiant, Loïc Marchin, aujourd’hui président de la société. “Nous savions que, produite à partir d’oxyde de zinc et de ses dérivés, notre poudre céramique possédait des propriétés antimicrobiennes, explique t’il. Une fois insérées dans un matériau, les microbilles de céramique réagissent chimiquement au contact de l’oxygène et de la vapeur d’eau : elles génèrent la création d’espèces réactives de l’oxygène, elles-mêmes capables de détruire les bactéries, champignons et virus2 ”. Pendant plusieurs années, Pylote mélange à chaud sa poudre céramique avec des matériaux plastiques, pour créer des emballages naturellement antimicrobiens pour la pharmacie, la cosmétique ou l’agroalimentaire. La technologie permet d’éviter l’ajout de conservateurs aux formulations. Cependant, elle oblige les industriels à imaginer des designs spécifiques qui maximisent le contact du produit avec l’emballage et limitent l’exposition à l’air. Pylote signe ainsi de nombreux contrats de mise au point, mais le long délai d’accès au marché freine la commercialisation.
Des adhésifs de décontamination
Puis avec l’arrivée du Covid-19 début 2020, tout s’accélère. La chasse aux agents pathogènes devient une priorité mondiale et les six collaborateurs de Pylote font rapidement tester leur procédé de décontamination sur le coronavirus. L’efficacité est prouvée et Pylote élabore avec la société Gergonne Industrie un premier produit commercial appelé Coversafe. “Cet adhésif, une fois collé sur les murs, les tables, les poignées de portes, transforme n’importe quelle surface en matériau antiviral”, appuie l’ex-conseiller scientifique et actuel actionnaire de Pylote. Le produit a même été certifié pour l'industrie aéronautique, via le développement de films adhésifs avec l'entreprise Adhetec. Ces produits sont déjà en cours de test sur les tablettes des passagers dans les avions de différentes compagnies aériennes. Enfin, plusieurs produits dérivés sont en cours de conception, comme des peintures ou des vernis antimicrobiens.
Fleur Olagnier
Journaliste scientifique
- 1Unité mixte de recherche CNRS, Université Toulouse III – Paul Sabatier, Toulouse INP
- 2Feuillolay, C. & col. “Antimicrobial activity of metal oxide microspheres: an innovative process for homogeneous incorporation into materials” JOURNAL OF APPLIED MICROBIOLOGY, 2018, 125, 1, 45-55 DOI: 10.1111/jam.13752