Premier lien laser aller-retour avec un orbiteur lunaire
La mesure de la distance Terre-Lune par télémétrie laser a fait l’objet de nombreuses tentatives depuis plus de 40ans. Une expérience récente dirigée par Pierre Exertier, chercheur CNRS au laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP - CNRS, CNES, IRD, Université Toulouse III - Paul Sabatier), alors responsable de l’équipe de télémétrie de la station de télémétrie laser lunaire (LLR) à Grasse, a réussi la mesure de cette distance à une précision inégalée. Cette collaboration franco-américaine fructueuse ouvre des perspectives d'améliorations de la précision des constellations de satellites de positionnement, de navigation et d’observation de la terre et des océans.
L’équipe du laboratoire Géoazur-Observatoire de la Côte d’Azur qui opère la station est à l’origine de développements expérimentaux permettant l’exploitation d’une longueur d’onde infrarouge, ce qui a permis de décupler les capacités de la télémétrie lunaire en termes de quantité de données et de couverture du cycle lunaire. Ces mesures nous renseignent sur la structure interne de Lune, en mettant en évidence la présence d’un noyau liquide de l’ordre de 380 km de rayon, et permettent de réaliser des tests de physique fondamentale comme le test de l’invariance de Lorentz.
Grâce à ce savoir-faire, la station de Grasse a réalisé les premières mesures de distance aller-retour sur l’orbiteur Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) de la NASA qui dispose d’un petit réseau de rétro-réflecteurs de dimensions 15×18cm. La faible dimension de ce panneau, en comparaison avec les réflecteurs déposés à la surface de la Lune par les missions Apollo et Lunokhod, rend l’exercice bien plus difficile. Afin d’optimiser le pointage des tirs lasers de la station de Grasse vers le LRO, l’équipe POLAC du Syrte-Observatoire de Paris a réalisé des prévisions très fines de l’orbite de la sonde.
Le 4 septembre 2018, Grasse a mesuré 67 retours en deux sessions de 6 minutes. Des retours clairs ont également été enregistrés lors de deux sessions supplémentaires les 23 et 24 août 2019 pour lesquelles la rotation active du LRO a été effectuée par la NASA afin que les réflecteurs soient en vue de la station. Les échos mesurés ont donné des résidus sur la mesure de distance inférieurs à 3 cm par rapport à la trajectoire LRO reconstruite. Cette expérience fournit une nouvelle méthode pour vérifier la possible accumulation de poussière sur les réflecteurs de la surface lunaire, ceux du LRO n’étant pas soumis à ce phénomène.
Bibliographie
Erwan Mazarico, Xiaoli Sun, Jean-Marie Torre, Clément Courde, Julien Chabé, Mourad Aimar, Hervé Mariey, Nicolas Maurice, Michael K. Barker, Dandan Mao, Daniel R. Cremons, Sébastien Bouquillon, Teddy Carlucci, Vishnu Viswanathan, Frank G. Lemoine, Adrien Bourgoin, Pierre Exertier, Gregory A. Neumann, Maria T. Zuber & David E. Smith, First two-way laser ranging to a lunar orbiter: infrared observations from the Grasse station to LRO’s retro-reflector array – Earth Planets Space 72, 113