Des bobines de magnétoformage à grande durée de vie : au LNCMI, un savoir-faire unique
Créé en 1965 à Toulouse, Le Laboratoire national des champs magnétiques intenses du CNRS (LNCMI) est spécialisé dans la conception d’électroaimants pulsés capables de générer des champs magnétiques très élevés. Depuis 2013, le laboratoire collabore avec la PME toulousaine Bmax /I Cube Research pour concevoir des bobines à la durée de vie toujours plus longue. Il s’agit d’une caractéristique cruciale dans l’utilisation des électroaimants à des fins de magnétoformage industriel, c’est-à-dire la fabrication de pièces en grandes quantités avec une précision extrême et pour un coût maîtrisé.
Faire circuler un courant électrique à travers une bobine conductrice, ou solénoïde, permet de générer un champ magnétique qui, selon son intensité, permet d’induire un nouvel état fondamental dans la matière et d’en explorer les propriétés. Pour générer des champs magnétiques très intenses, il est nécessaire d’utiliser des conducteurs qui combinent une bonne conductivité électrique avec une résistance mécanique très élevée. Le LNCMI s’est donc doté de son propre atelier de tréfilage. Il est capable de fabriquer lui-même les conducteurs nécessaires à la confection de ces bobines pouvant résister à des champs magnétiques non-destructifs et de longue durée (plusieurs dizaines de millisecondes) allant jusqu’à 99 teslas (T)1 , ainsi que des champs semi-destructifs et de durée plus courte (quelques microsecondes) allant au-delà de 200 T.
Un savoir-faire unique
Au fil des années, le savoir-faire du LNCMI sur la R&D des matériaux conducteurs qui composent les électroaimants, ainsi que sur leur production elle-même, a permis au laboratoire d’aboutir à des bobines à la durée de vie toujours plus importante. On peut par exemple citer les bobines en fils cuivre-inox, dites « toulousaines » qui sont utilisées par des scientifiques du monde entier pour leurs travaux en physique du solide, sur les supraconducteurs ou les semi-conducteurs. C’est cette expertise qui a attiré la PME toulousaine Bmax /I Cube Research, spécialiste du magnétoformage et dont la collaboration avec le LNCMI s’est pérennisée depuis 2013.
Magnétoformages direct et indirect
“Le magnétoformage est une technique qui permet de fabriquer des pièces aux formes qui ne pourraient pas être obtenues par d’autres méthodes, de manière extrêmement précise et à des coûts raisonnables, explique Jérôme Béard, ingénieur de recherche CNRS au LNCMI. Les électroaimants pulsés que nous concevons génèrent des impulsions de champ magnétique très courtes et intenses, qui entraînent la création d’un courant induit dans la pièce en métal à modeler. Cette pièce est alors projetée à très grande vitesse sur un moule dont elle prend la forme. C’est le magnétoformage direct, qui diffère du procédé indirect où un poinçon mis en mouvement sous l’effet des forces magnétiques, vient frapper le matériau à modeler, ensuite envoyé sur le moule.” L’opération se déroule en quelques microsecondes, et offre un niveau de précision sur la forme des pièces qui peut répondre aux attentes de secteurs très exigeants comme le luxe, l’aéronautique ou l’automobile.
Une durée de vie démultipliée
Mais avec de tels courants électriques pulsés, les électroaimants qui rendent le procédé possible sont soumis à des contraintes magnétiques, mécaniques et thermiques énormes. L’enjeu pour la société Bmax /I Cube Research est d’utiliser des bobines fabriquées à partir de matériaux conducteurs suffisamment résistants à ces contraintes, pour pouvoir être utilisées sur une chaîne de production industrielle de façon rentable, sans avoir à être remplacées trop souvent. “Il y a quelques années, les électroaimants étaient capables de supporter quelques centaines d’impulsions seulement”, souligne Jérôme Béard. Aujourd’hui, nous sommes parvenus à concevoir des bobines qui supportent plus de 30 000 impulsions, soit une amélioration d’un facteur 50 environ de la durée de vie”. Bmax /I Cube Research utilise les électroaimants à longue durée de vie développés par le LNCMI pour des applications industrielles, et compte bien, grâce à ces outils, conquérir de nouveaux marchés. Initialement financé par les fonds propres de la PME, le partenariat avec le LNCMI a été reconnu institutionnellement via l’obtention d’autres financements locaux (projet NEXTMAG, LABEX NEXT), régionaux (projet MAG-IC, Région Occitanie), nationaux (projet SIgMA, ANR) et européens (projet ISABEL, H2020).
Fleur Olagnier
Journaliste scientifique
- 1En 2017, la combinaison de conducteurs renforcés ultra-performants a permis au LNCMI d'établir le record européen de champs magnétiques pulsés non destructifs de 98,8 T