Petit mais costaud, ou comment le macrophage exerce des forces sur son environnement
Le cytosquelette d’actine est essentiel à la plupart des fonctions cellulaires, notamment via la génération et la transmission de forces mécaniques sur leur environnement. Pour comprendre comment des réseaux de filaments d’actine se coordonnent pour produire ces forces, il faut être capable de déterminer leur organisation à l’échelle nanométrique. En tirant parti des récents progrès de la cryo-tomographie électronique, les scientifiques montrent comment un réseau tridimensionnel de filaments d’actine agit comme un ressort pour permettre aux macrophages de sonder et déformer leur environnement. Ces résultats, issus d'une recherche menée en partie par des scientifiques de l'Institut de pharmacologie et de biologie structurale1 , sont publiés dans la revue Nature Communications.
Le cytosquelette d'actine est essentiel à la physiologie cellulaire, du maintien de la forme au transport intracellulaire. Depuis le début des années 1990, on sait que l'ajout d'un monomère à l'extrémité d'un filament d'actine génère une force sur la membrane de l'ordre de quelques piconewtons. Ce calcul thermodynamique a été confirmé expérimentalement in vitro et constitue un des dogmes de la biologie cellulaire. Cependant, différentes méthodes d'analyse des forces cellulaires ont également révélé que les machineries cellulaires sont capables de générer des forces plusieurs milliers de fois plus élevées, jusqu'à plusieurs dizaines de nanonewtons. C'est le cas, par exemple, lors de l'endocytose chez la levure, de la migration cellulaire, ou lorsque des cellules immunitaires comme les macrophages sondent la rigidité de leur environnement. Comment les réseaux de filaments d'actine, qui génèrent individuellement quelques piconewtons, s'auto-organisent et se coordonnent pour produire des forces aussi importantes est une question centrale, qui reste sans réponse en raison de l'absence d'une méthode appropriée.
Pour répondre à cette question, les scientifiques ont observé des macrophages humains par cryo-tomographie électronique in situ. Cette technique, à ce jour la seule méthode capable de résoudre l'architecture 3D des réseaux cellulaires de filaments d'actine avec une résolution nanométrique, leur a permis d’analyser quantitativement l'organisation nanométrique des structures d’adhérence des macrophages. De manière surprenante, la somme des forces de polymérisation générées par les filaments à proximité de la membrane plasmique n'atteint pas un dixième de la force attendue. Ce résultat remet donc en question la seule théorie généralement acceptée de la génération de force par les filaments d'actine.
- 1IPBS - CNRS / UT3 Paul Sabatier