À Toulouse, les sciences participatives s’intéressent à la dégradation des plastiques dans les sols
Cela fait maintenant bien longtemps que la pollution plastique n’est plus seulement l’affaire des scientifiques qui, dès le début des années 1970, ont fait de ce sujet l’un de leurs objets d’études majeurs. Les résultats de la recherche ont notamment permis une prise de conscience et un engagement des pouvoirs publics et des citoyen·nes, propulsant la pollution plastique au rang de sujet de société au début des années 2010. C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de sciences participatives « PlastiZen », initié en 2021 par deux scientifiques du Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement1 (LEFE/OMP), qui vise à analyser les capacités de dégradation de certains plastiques dans différents environnements, tout cela grâce aux centaines d’« assistant·es de recherche » bénévoles, au sein même de la population française.
Définies par François Houllier, biologiste français et président de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de 2012 à 2016, comme « des formes de production de connaissances scientifiques auxquelles des acteurs, non-scientifiques professionnels, participent de façon active et délibérée »2 , les sciences participatives permettent une réelle appropriation de la méthode scientifique par des publics qui n’y sont que très peu exposés dans leur vie courante. C’est ce dispositif que Camille Larue et Arthur Compin, respectivement chercheuse CNRS et ingénieur de recherche CNRS au LEFE/OMP, ont choisi de mobiliser dans le cadre de leur recherche sur la dégradation des plastiques dans les sols.
L’expérience consiste à mesurer la différence de dégradation entre un échantillon de sac en plastique « biodégradable » et un échantillon de sac en plastique « traditionnel », enterrés à quelques centimètres de profondeur dans le sol pendant trois mois. Le protocole permettra de relier la dégradation de ces plastiques à la santé écologique des sols évaluée grâce au suivi de la dégradation de deux sachets de thé. L’implantation sur l’ensemble du territoire métropolitain permet également de mesurer l’impact de facteurs écologiques tels que la température, le type de sol et son pH sur cette dégradation. Deux ans après le lancement du projet, plus de 300 personnes ont déjà reçu un kit après s’être déclarées volontaires.
Un projet de science ouverte au cœur de la vie d’un laboratoire de recherche
À l’origine de PlastiZen se trouve une volonté du Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement de se saisir des sciences participatives dans le cadre de projets structurants qui impliquent l’ensemble du personnel de l’unité de recherche. Lors d’ateliers communs, les membres du laboratoire ont déterminé les axes majeurs du projet, comme l’explique Camille Larue.
Cette volonté d’ouverture, soutenue par la direction du laboratoire, permet notamment au projet PlastiZen de « financer les kits, leur envoi, le retour d’échantillon et les analyses de sol grâce à la plateforme d’analyses physico-chimiques du laboratoire » précise Arthur Compin. Outre l’aspect financier, l’inclusivité du projet de sciences participatives s’étend même aux conditions d’expérimentation. En effet, pour Camille Larue « il était également important que des personnes sans jardin puissent participer et nous acceptons donc des résultats d’expérimentation réalisées sur des balcons ».
Une ouverture à de nouveaux publics et à de nouvelles disciplines
PlastiZen ne se limite pas uniquement aux sciences de la Terre et à l’écologie. Outre l’intérêt expérimental, les scientifiques souhaitent également interroger la réception de ce projet par les volontaires, que ce soit concernant le protocole, la charge de travail, la compréhension des enjeux ou encore la volonté de participer à de nouveaux projets de sciences participatives à l’avenir. Pour ce faire, l’équipe du LEFE/OMP a pu compter sur l’aide de Saliha Hadna, maitresse de conférences UT3 en sciences de l’information et de la communication au Centre d'étude et de recherche travail organisation pouvoir3 (CERTOP), qui a abordé ces différents sujets lors d’une série d’entretiens semi-directifs, réalisés avec une vingtaine de volontaires.
Parmi les ambitions des scientifiques responsables de PlastiZen figure le milieu scolaire. Dès les premiers instants du projet, des enseignant·es s’étaient emparé·es du projet et des ajustements avaient pu être mis en place pour répondre à leurs besoins. Aujourd’hui, Camille Larue et Arthur Compin souhaiteraient aller plus loin : « Dans un objectif de sensibilisation, l’idée serait d’appareiller des écoles de capteurs leur permettant de mesurer plus précisément et de communiquer directement la température et l’humidité du sol dans lequel les élèves auront disposé leur échantillons ».
- 3Tutelles : CNRS, UT2J, UT3
Mais l’apport n’est pas seulement social. En effet, comme le rappelle Arthur Compin « l’intérêt de ce type de projets de sciences participatives sur une longue durée c’est qu’ils deviennent une sorte d’observatoire à long terme, ce qui s’avère difficilement réalisable dans le cadre de recherches plus conventionnelles ».
Pour parvenir à toucher un large public, le soutien accordé par la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires du CNRS (MITI) au projet PlastiZen va lui permettre de développer de nouveaux outils, parmi lesquels une application à destination des participant·es, bientôt disponible.
Quel pourra être l’impact d’un tel projet ?
Tout d’abord, le projet a pour objectif de valoriser ses résultats auprès de la communauté scientifique, via une ou plusieurs publications dans des revues à comité de lecture. Dans cette optique, Camille Larue précise qu’il sera nécessaire d’atteindre « un nombre de participants suffisant pour nous permettre de publier nos résultats dans une revue scientifique. Pour cela il faudrait doubler le nombre de volontaires et couvrir le territoire national dans sa globalité, afin que les données soient réellement significatives ».
Plus largement, les résultats de ce projet pourront également permettre d’alimenter les réflexions actuellement menées au sujet de l’usage de plastiques biodégradables et compostables dans le domaine de l’agriculture, mais pas seulement. Dans un rapport publié fin 2022, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) s’est intéressée à la composition, à la dégradation et à la dissémination dans l’environnement de micro-plastiques.
En rapprochant la recherche menée en laboratoire et la société, les sciences participatives permettent de mieux apprécier l’importance des connaissances scientifiques dans de multiples domaines. En apportant des données sur la réalité de la dégradation des plastiques dans l’environnement, le projet PlastiZen pourra peut-être aussi participer à l’évolution de normes et autres réglementations, de manière à mieux protéger la population de pollutions potentiellement nocives, tout en préservant l’environnement.